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En Inde, la colère des paysans du Nord

Dernière mise à jour : 20 déc. 2020

Cela faisait 2 mois qu’ils protestaient dans le Penjab et l’Haryana contre trois lois agricoles passées par le premier ministre Indien Narendra Modi sans s’encombrer de consultations. Mais face à l’absence de réaction, les paysans de ces deux régions agricoles du nord du pays ont décidé le 26 novembre de bloquer un axe routier majeur menant à Delhi, la capitale. Deux semaine plus tard, ils sont toujours aussi nombreux à occuper la route, et ils sont déterminés à poursuivre leur action. D’ailleurs, leurs réserves sont pleines, et des camions sont prêts à partir dans le nord pour les approvisionner. D’où vient cette colère ? Les trois lois qui ont déclenché ce mouvement social visent à libéraliser l’agriculture. Elles prévoient de mettre fin au système actuel de prix plancher sur la production agricole assurant aux exploitants un revenu minimum qui leur permettait de vivre. Il était accompagné d’un mécanisme de redistribution de ces denrées - principalement du blé et du riz - à un prix bas par les autorités à l’attention des plus pauvres. Les paysans accusent le premier ministre Modi de favoriser par cette loi les géants de l’agroalimentaire qui pourraient désormais exercer une concurrence déloyale sur les prix face à laquelle les paysans ne pourraient riposter. D’autant que deux milliardaires à la tête de puissants conglomérats familiaux dans l’agroalimentaire, Mukesh Ambani et Gautam Adan, sont réputés porches du premier ministre. Les trois personnalités sont donc conspuées par les manifestants, et des effigies sont notamment brûlées pour exprimer la colère des paysans.

Trois paysans Indiens devant une cuisine et un dortoir improvisés sur la route menant à Delhi


Mais au-delà de cette législation interprétée comme antidémocratique et népotique, c’est la situation économique des paysans qui motive cette vive réaction. Le tissu agricole Indien en effet est marqué par une très forte pauvreté. Les exploitants possèdent des parcelles de petite taille et nombreux sont ceux qui ont préféré s’exiler dans les grandes villes, où ils vivent dans la misère. Entre 1991 et 2011, 15 millions de paysans ont ainsi migré vers les principales métropoles du pays, tandis qu’environ 350 000 autres se sont suicidés, accablés par le surendettement. Dans ce contexte de grande fragilité des agriculteurs, la perspective d’une concurrence directe avec des géants de l’agroalimentaire est donc synonyme de faillite et inenvisageable.

Ce n’est pas la première fois que le premier ministre indien est contesté dans son pays, et cette année à notamment été marquée par des journées d’une extrême violence, sous le regard parfois complaisant de la police, à l’égard des populations musulmanes du pays suite à une loi les stigmatisant. Il n’est donc pas dit que cette mobilisation d’envergure des paysans du nord du pays le pousse à revenir sur les lois qu’il à édictées. Deux certitudes apparaissent cependant. La première, si ces lois devaient entrer en vigueur, les petits paysans Indiens devraient avoir du mal à s’en relever, et cette population déjà éprouvée par la pauvreté pourrait grossir les rangs des indigents dans les métropoles indiennes déjà connues pour leurs « slums » - bidonvilles -. L’autre, c’est que les manifestants, s’ils échouent à totalement bloquer la capitale, sont déterminés à poursuivre la lutte contre ces lois, et à en juger par leur organisation - sur une dizaine de kilomètre défilent les zones de cuisines, de soin, ou de dortoirs aménagés dans des camions -, ils se préparent à une action dans la durée.


Benjamin Milkoff

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